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Ils sont fous ces humains !Marc Dugain en est convaincu. Dans son nouveau livre, Conter les moutons, écrit depuis son paradis breton, Il fait parler ses brebis qui regardent les hommes d’un air dubitatif. Pourquoi l’espèce sensée être la plus intelligente de toutes se comporte-t-elle aussi follement ? Pourquoi les hommes ont-ils un tel manque de respect pour la nature ? Pour Laurent Gounelle il est clair que les hommes courent à leur perte. Dans Le réveil, une dystopie particulièrement sombre, il décrit un monde dans lequel les libertés individuelles sont de plus en plus restreintes au nom de l’intérêt général. Le dernier livre de Romain Puertolas (l’auteur de L’Extraordinaire voyage du fakir) traite aussi de manipulation; celle des sectes qui envoûtent et embrigadent de jeunes adolescents. La société, par respect démocratique, n’intervient pas et ce seront les citoyens eux-mêmes qui prendront les choses en mains. Nous avons aussi beaucoup aimé Le gosse, de Véronique Olmi, un livre magnifique sur la vie des orphelins dans les années trente et sur l’amitié. Et puis une découverte, 33 jours, de Léon Werth, préfacé par son ami Saint Exupéry qui lui dédiera Le Petit Prince. Témoignage saisissant, Léon Werth tient le journal de son exode. Comme tant d’autres français qui ont cédé à la panique face à l’avancée des allemands en 1940, Léon Werth, particulièrement menacé parce qu’il est juif, se décide à quitter Paris pour gagner sa maison de vacances à Saint Amour. Il mettra 33 jours pour arriver dans le Jura. Véronique Fouminet a lu et analysé pour vous un essai passionnant sur l’histoire de la démocratie dans la Grèce antique ainsi qu’un ouvrage collectif sur l’Europe vue par ses écrivains. Olivier Guez a ainsi demandé à vingt-sept écrivains, un par Etat-membre, d’écrire sur des lieux évocateurs de la culture et de l’histoire européennes. Enfin, Tiphaine Hubert, notre spécialiste bandes dessinées, vous propose deux nouveautés. Conter les moutons, Marc Dugain
» Ce n’est pas que je sois pessimiste, mais j’ai appris à être prudente. En une fraction de seconde, ces gens là passent d’une apparente sérénité à une violence sidérante. On n’est jamais plus cinglé que quand on se croit normal. Or les humains se prennent pour des modèles de normalité. » La brebis narratrice, pages 7 et 9. Cette brebis, fine observatrice, est pleine de sagesse et de bon sens. Les premières pages de Conter les moutons sont particulièrement réjouissantes et seraient drôles s’il ne s’agissait de nous. Bien que né le moins doué de toutes les espèces, l’être humain compense ses déficiences physiques par son intelligence, et en particulier une aptitude à créer des objets d’une technologie avancée. Pour autant, l’être humain s’acharne à détester, voire supprimer son prochain. Moutonnier, (et oui), il se conforme aux modes et aux tendances qui lui sont imposées par des gourous et autres visionnaires. L’être humain, comme le porc, mais lui y est obligé, mange n’importe quoi, souille et détruit la planète en surproduisant des choses de toutes sortes, choses dont, pour la plus grande part, il pourrait largement se passer. Bref, l’être humain est un parfait cinglé. Mais la brebis écossaise de l’ile de Soay est philosophe : » Ils sont cinglés mais finalement, s’ils devenaient complètement végétariens, ce qui est la tendance, on pourrait continuer à vivre en harmonie ensemble, juste les humains, nous et les espèces sauvages dans les parcs animaliers. Qui n’échangerait pas un peu de sa liberté contre plus de la sécurité ? » Le réveil, Laurent Gounelle
» Mais les jeunes d’aujourd’hui sont nés avec Facebook et ont ainsi été conditionnés dès leur plus jeune âge à quérir l’approbation des autres. Ils sont mûrs pour le contrôle social. » Page 163. Le réveil sera dur pour les terriens, si tenté qu’il survienne un jour. Laurent Gounelle pour illustrer son propos, relate une expérience faite sur une grenouille : lorsque l’on approche une grenouille d’une casserole d’eau bouillante elle s’échappe de peur d’être ébouillantée. Si la grenouille est déposée dans une casserole d’eau froide laquelle est progressivement portée à ébullition, la grenouille ne réagit pas et se laisse mourir. Laurent Gounelle nous conte une fable qui, hormis le style, n’est pas sans rappeler Soumission. Pour notre bien et dans l’intérêt général, un président élu démocratiquement prend des mesures de plus en plus contraignantes et coercitives. La société décrite dans Le réveil, roman que certains trouveront caricatural, est pourtant, à certains égards, celle qui se profile à un horizon pas si lointain. Nous ne pourrons pas dire que nous n’avons pas été prévenus. Les ravissantes, Romain Puertolas
« Deux semaines s’étaient écoulées depuis la première disparition qui avait chamboulé la quiétude de la petite ville de St Sauveur et le shérif Golden n’avait toujours pas avancé d’un iota. » Page 249 St Sauveur est une petite ville de l’Arizona, proche de la frontière mexicaine, créée à la fin du XVIIème siècle par des missionnaires français venus de Bourgogne. La ville a bien changé depuis. Elle vit de la culture de l’aloe et son passé français est oublié. Une petite ville bien tranquille jusqu’à ce que la Communauté des Sauveurs ne s’y installe, retranchée derrière de hauts murs. Emilio Ortega, fondateur et gourou de la Communauté, a rencontré Dieu ou plutôt a été témoin d’une apparition qui lui a laissé des brûlures sur les doigts et lui a donné la foi. Diable ou saint, depuis la venue d’Ortega, rien de tourne rond à St Sauveur. Menus larcins, incivilités, bagarres, chantages, se multiplient. Mais cette fois c’est grave : des adolescents disparaissent les uns après les autres et les soupçons se portent naturellement sur la Communauté. Le shérif y perd son latin et, faute de preuve, n’ose pas intervenir. Que sont devenus ces enfants ? Que leur est-il arrivé ? Les mères de St Sauveur parviendront-elles à dénouer cette intrigue ? Les ravissantes : le titre du nouveau roman, très réussi, de Romain Puertolas, vous ne le comprendrez qu’à la fin de l’enquête. Le gosse, Véronique OlmiPhoto Astrid di Collalanza, site Albin Michel, tous droits réservés « Joseph est né le 8 juillet 1919 à Paris et il en est fier. Paris ce n’est pas seulement la ville, c’est la plus grande des villes, belle de jour comme de nuit, enviée dans le monde entier, il est un titi, un petit bonhomme de sept ans, maigrelet mais robuste, on ne croirait jamais à le voir, la force qui est la sienne. » Page 11 Bouleversant, prenant, glaçant, le nouveau roman de Véronique Olmi marquera les esprits. La colonie agricole et pénitentiaire de Mettray, en Indre-et-Loire, a réellement existé et des milliers d’enfants, orphelins pour la plupart, délinquants ou présumés tels, y ont été monstrueusement maltraités au vu et au su de tous. Ce ne sera qu’en 1939, après que les exactions des matons et autres fonctionnaires aient été finalement dénoncées par un journaliste, que Mettray sera définitivement fermée. Créée en 1839, ses fondateurs avaient une vision idéaliste selon laquelle une vie saine et le travail de la terre permettraient de remettre ces enfants dans le droit chemin. Cette colonie, au fil des ans, loin des idéaux de ses créateurs, s’est rapidement transformée en bagne pour enfants. Exploités, maltraités, torturés, violés, abandonnés par la société, tous ces enfants, lorsqu’ils ne mourraient pas, restaient meurtris et traumatisés à vie. Mais Le gosse n’est pas qu’une dénonciation de ces horreurs. Il est aussi un très beau livre sur l’enfance et l’adolescence, ses amours, ses rêves et ses croyances. Véronique Olmi, avec une grande sensibilité, décrit la fragilité, et la force aussi, des amitiés et des amours enfantines. Un livre fort qui ne devrait laisser personne indifférent. La vie privée d’Arsène Lupin, Frédéric Lenormand
« Les serrures avaient aussi peu l’habitude de résister à son passe-partout que les femmes de résister à son charme de mauvais garçon bien élevé. » page 33 Nous connaissons Frédéric Lenormand pour ses romans policiers, historiques et drôles dans lesquels Voltaire ou le juge Ti mène l’enquête. Cette fois, l’auteur reprend la plume de Maurice Leblanc ; ce sont les ayants droit du créateur du gentleman cambrioleur qui l’ont choisi. Dans ce quatrième récit, Arsène Lupin convoite les diamants rouges d’un richissime collectionneur revenu depuis peu d’Argentine, tout est très bien organisé, mais… 33 jours, Léon Werth
Après avoir visité la superbe exposition du Musée des Arts Décoratifs de Paris consacrée au Petit Prince de Saint-Exupéry, j’ai fait la découverte, dans la librairie du musée, d’un petit livre, rare et passionnant. En 1940, Antoine de Saint-Exupéry rend visite à Léon Werth, son plus cher ami auquel il dédiera Le Petit Prince. Léon Werth se trouve dans sa petite maison de vacances de Saint Amour, dans le Jura. Il y restera caché jusqu’à la Libération. Il y est parvenu après un long et chaotique périple de plus d’un mois. Léon Werth en fait le récit, notant ses rencontres, ses impressions et les réflexions que lui inspire la Débâcle et l’exode de 1940 qui a jeté sur les routes des centaines de milliers de personnes. Ce récit il le nomme 33 jours. C’est en quelque sorte la version vécue, dans le détail et l’immédiateté, de la première partie de Suite Française d’Irène Nimérovski, brillant récit romancé de ce triste épisode de l’histoire de France. Saint-Ex est enthousiasmé par le texte et l’emporte avec lui à New York pour le faire publier avec une préface de lui dont il a déjà le titre « Lettre à un ami « . Cette préface, il mettra longtemps pour l’écrire, la reprenant sans cesse. Saint-Ex meurt en 1944 sans qu’il ait eu le temps de faire publier le texte de Léon Werth. Ce n’est qu’en 1989 que l’éditrice Viviane Hamy retrouve le texte et le publie… sans la préface de Saint-Ex. Ce sera Denis Johnson, directeur de Melville House Publishing, qui retrouvera la préface de Saint-Ex en 2015 et qui publiera le texte en anglais avec le titre 33 days. 33 jours sera à nouveau publié en France par Viviane Hamy et cette fois avec la préface de Saint-Ex. ESSAISFiers d’être démagogues ! Philippe Lafargue
« L’invective institutionnalisée procédait donc, dans la cité démocratique, d’un contrôle informel : en se moquant de ses élites, le peuple exorcisait la menace tyrannique (ou simplement l’ascendant) qu’un orateur pouvait prendre sur lui. » page 133 Philippe Lafargue, docteur en histoire ancienne, nous propose de revenir aux débuts de la démocratie… bien-sûr, nous partons en Grèce, précisément à Athènes. L’auteur nous restitue l’histoire de la démocratie, ses soubresauts, ses limites. S’ils ont inventé la démocratie, les Athéniens ont aussi créé la démagogie, mais le sens du mot « démagogue », qui apparaît dès le Vème siècle av. J.-C. a évolué. Au sens étymologique, le démagogue est celui qui veut guider le peuple. Or, l’élite avait déjà des rapports ambigus avec « le peuple ». Dès l’Antiquité, les auteurs ont dénoncé ces guides qui souhaitaient ouvrir la démocratie aux plus modestes, et non la réserver à une élite, selon les principes de Platon ou Aristote. En effet, la tendance était déjà grande de promettre monts et merveilles… Les démagogues se définissent d’abord par leur discours, élément fondamental de l’art politique. Les textes dont nous disposons sont ceux de leurs adversaires, comme les comédies d’Aristophane ou le traité de Plutarque. Nous apprenons cependant quels étaient les thèmes, les techniques, les insultes habituelles, la gestuelle qui accompagnaient leurs discours et ceux de leurs opposants.Cet essai, à la fois sérieux et plaisant à lire, expose la « fabrication » de la démocratie et l’interprétation qui en est faite au fil des siècles, jusqu’à notre époque. Examinant ainsi le passé pour mieux éclairer le présent, Philippe Lafargue conduit le lecteur à s’interroger ou à regarder autrement le théâtre politique contemporain.Véronique Fouminet, libraire au Temps Retrouvé Libre comme une déesse grecque : dans la mythologie, le meilleur est une femme, Laure de Chantal Libre comme une déesse grecque La mythologie grecque… encore ! me direz-vous peut-être ; oui, encore ! Quoi de neuf, alors ? Certes, pas de nouvel auteur, ni de découverte sensationnelle… au contraire. Laure de Chantal, formidable conteuse, nous propose de lire les textes, de les lire vraiment. La nouveauté de cet ouvrage réside en la lecture qui est faite des mythes, plus précisément des figures féminines : une lecture exacte, débarrassée des préjugés et interprétations légués par les (hommes) traducteurs et commentateurs des siècles précédents. Le sous-titre, Dans la mythologie, le meilleur de l’Homme est une femme, prévient le lecteur du projet : illustrer ce paradoxe qui veut que les Grecs, qui auraient inventé la misogynie, ait aussi confié aux femmes des domaines aussi importants que la création du monde, les arts, l’amour, l’intelligence, la justice…Mêlant savoir universitaire et faits de sociétés contemporains, références académiques et populaires, Antiquité et présent, l’autrice souligne que trop souvent la lecture des mythes révèle davantage le commentateur que le mythe lui-même. Au cours de ce répertoire, dans un style vif, élégant, léger et souvent drôle, Laure de Chantal libère ces déesses des clichés qui les encombraient, des mauvaises traductions qui les diminuaient. De cette excursion dans l’antique, le lecteur revient enchanté par la puissance de ces femmes qui sont de réelles modèles pour notre époque. Le Grand Tour, autoportrait de l’Europe par ses écrivains, ouvrage collectif, sous la direction d’Olivier Guez
« Le monde totalitaire est le royaume de l’unisson qui dissimule une cacophonie. Les pays d’Europe ne sont jamais à l’unisson mais, dans l’ensemble, ils sont en harmonie les uns avec les autres. » page 56 Constatant que l’Europe qui se construit manque du liant nécessaire qu’est la culture, Olivier Guez a demandé à vingt-sept écrivains, un par Etat-membre, d’écrire sur des lieux évocateurs de la culture et de l’histoire européennes. Quel beau projet ! Le recueil qui en résulte est cosmopolite, sensible, étonnant, aussi divers et pourtant accordé que le sont les Etats-membres ! Les écrivains qui ont accepté ce défi, en 20 000 signes maximum, mêlent Histoire nationale et commune aux souvenirs personnels. Ainsi, le lecteur se promène-t-il à travers le temps, les lieux, les langues grâce à ces textes qui témoignent de notre héritage multiculturel et pluri-linguistique. L’Antiquité, la dynastie des Habsbourg, le saint Empire romain germanique, l’épopée napoléonienne, les deux guerres mondiales, l’empire soviétique, jusqu’à l’actualité la plus récente, toutes les époques sont représentées. Impossible de nier l’importance du traitement de l’Histoire, qu’elle soit transmise, tue, ou manipulée. Sautant d’un pays à l’autre, d’un style à l’autre, le lecteur découvre un panorama géographique, historique, culinaire, esthétique : chaque texte offre une couleur, une atmosphère, une tonalité différentes. L’ensemble donne envie de prendre des notes, de voyager, de goûter de nouvelles saveurs, d’apprendre une nouvelle langue, de lire ! Tant d’exotisme et d’universel mêlés ! Sans aucun doute, quelque chose d’éternel, puissant et fragile à la fois, nous unit ; en ces temps de nationalismes, révisionnismes divers et de guerre à noter porte, cette belle mosaïque littéraire en est preuve, consolation et espoir. Avortée, Pauline Harmange
Si vous avez aimé Moi, les hommes, je les déteste, il vous faut lire Avortée, le dernier essai de Pauline Harmange. Comme pour ce premier texte, ni sociologue, ni philosophe, l’autrice part de son expérience pour dérouler son propos. Un propos intime, autour de son propre IVG donc, mais construit et surtout très documenté. Un ouvrage nécessaire en des temps où l’on penserait acquis le droit à l’avortement quand il est malmené en France comme dans d’autres pays. Avec émotion et réflexion, elle relate son expérience pour le placer au milieu d’autres vécus bousculant les clichés de cet acte. Pauline Harmange remet au centre l’important : la vie et le choix des femmes. Un acte politique, un texte d’une grande force. BANDES DESSINÉES
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