La rentrée littéraire est très riche cette année et toute l’équipe du Temps Retrouvé a beaucoup lu pendant l’été. Comme toujours de grandes signatures mais aussi d’excellents premiers romans. Découvrez nos premières recommandations, que nous compléterons dans notre prochaine lettre du mois d’octobre.
Pierre-Pascal Bruneau
Tu la retrouveras, Jean Hatzfeld
Gallimard, Collection Blanche
Date de parution : 17 août 2023
ISBN : 9782073025654, 208 pages, €22.46€
« Pas des Allemands, des Oustachis de la Crna Legija, des Croates et même des hommes de Sarajevo. (…) Toute la nuit, Izeta et les siens ont entendu les tirs sur les fuyards dans les jardins, et sur les chiens et sur les ours ; les chevaux volés avec les quelques moutons pour l’Aïd des musulmans. Les Oustachis ont attendu l’aube pour escorter les Tziganes vers la gare routière, en bas, où on les a chargés sur des camions. » Page 41.
Jean Hatzfeld est journaliste, grand reporter et correspondant de guerre. Il a vu l’horreur de près, au Moyen-Orient, en Afrique, en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et au Rwanda. Après avoir activement et longtemps milité pour les victimes du génocide des Tutsis, il quitte le journalisme. Considérant que le journaliste, par nécessité, va trop vite et ne peut donc saisir qu’une partie de ce qu’il voit, il décide de se consacrer à la littérature. Son dernier livre, qui, à nouveau, a pour thème la guerre et le sort des populations dans les conflits, est très original.
Nous sommes à Budapest à l’hiver 1944-1945. Deux fillettes, Sheindel et Izeta, l’une juive, l’autre tzigane, dont les parents ont été massacrés, se réfugient dans le zoo de la ville, dévasté par les bombardements et le vandalisme. Beaucoup d’animaux ont été abattus; les éléphants pour leur ivoire et bien d’autres pour leur viande. Ceux qui ont échappé au massacre errent dans le zoo, terrorisés et affamés. Alors que miliciens hongrois et soldats allemands continuent leurs exactions contre les Juifs et les Tziganes et que l’Armée Rouge pénètre dans Budapest, les deux fillettes, seules dans le zoo abandonné, parviennent à survivre. Elle soignent les animaux qui ne peuvent quitter le zoo et font s’échapper ceux capables de s’enfuir vers le Danube et la liberté. Elles resteront dans le Zoo jusqu’à la libération de la ville, à s’occuper des bêtes avec l’aide d’un jeune lieutenant russe qui se prend d’affection pour ces deux fillettes. Bien après la guerre, Sheindel revient à Budapest, à la recherche de son amie. Un livre très émouvant et juste, sur l’amitié et sur les liens extraordinaires qui peuvent exister entre les animaux et les enfants.
Pierre-Pascal Bruneau
L’enragé, Sorj Chalandon
Grasset
Date de parution : 16 août 2023
ISBN : 9782246834670, 416 pages, 25.88€
« La Teigne, tu es bon pour le Grand Bal, avait grincé Chautemps.(…) C’était une longue piste ovale en ciment, large de trente centimètres, élevée au-dessus du sol dans une salle couverte et entièrement nue. Les gardiens l’appelaient « la planche ». J’y suis arrivé à huit heures du matin. Cinq punis marchaient déjà. Il ne s’agissait pas de dépasser l’autre ou de gagner la course mais de tenir jusqu’au soir. Et c’était pour de vrai. » p. 61
Le Gosse, le très beau livre de Véronique Olmi (Albin Michel, 2021), abordait le même sujet que celui du nouveau roman de Sorj Chalandon : les colonies pénitentiaires pour enfants. Ces « machines à discipliner et à punir » créées au XIXème siècle, étaient de véritables bagnes. Les enfants qui y sont enfermés sont, pour la plupart, orphelins ou simplement abandonnés, souvent dès la naissance, par leurs parents. Ces enfants, la société « bien-pensante » d’alors souhaitait les « corriger », avant qu’ils ne tournent mal (voir l’ouvrage de Véronique Blanchard, historienne et responsable du Centre d’exposition « Enfants en justice XIXe-XXe siècles » (ENPJJ)). Arrêtés pour de menus larcins, vol de gâteau, de pain, souvent accusés à tort, ils étaient atrocement battus, torturés, martyrisés par les gardiens. Ces enfants constituaient aussi une main d’œuvre gratuite très utile pour les paysans. Il faudra l’intervention d’un journaliste, Alexis Danan, qui alertera l’opinion, et l’appel d’un poète, Jacques Prévert, pour que ces bagnes soient fermés les uns après les autres. Véronique Olmi évoquait la colonie de Mettray, en Touraine, où Jean Genet a séjourné pour son malheur, dans les années vingt. Mettray sera fermé en 1937. Le bagne pour enfants de Belle-Île-en-mer, lui, ne fermera qu’en 1977. Sorj Chalandon se souvient d’avoir longé, souvent, lorsqu’il était enfant, en vacances à Belle-Île, les hauts murs du pénitencier. Il s’était promis d’écrire un jour sur la vie de ceux que l’on appelait les « colons » pour dénoncer le comportement des paysans de cette époque. Jean Genet, dans son livre le Miracle de la rose en parlait déjà: « Chaque paysan touchant une prime de cinquante francs par colon évadé qu’il ramenait, c’est une véritable chasse à l’enfant, avec fourches, fusils et chiens qui se livrait jour et nuit dans la campagne de Mettray ». Atroce chasse à l’enfant, un seul des cinquante-six évadés du bagne de Belle-Île, après la mutinerie de 1934, ne sera pas repris. C’est l’histoire de ce garçon que nous conte, avec grand talent, Sorj Chalandon.
Pierre-Pascal Bruneau
Psychopompe, Amélie Nothomb
Albin Michel
Date de parution : 23 août 2023
ISBN : 9782226485618, 162 pages, 21.73€
« Il y a des millions d’années, un dinosaure a conçu le désir délirant de voler. Ce pachyderme a mis en place un processus de dément dans le but d’accomplir un rêve improbable. Quelle que fût son intelligence, il devait sentir qu’à supposer que cela se réalise un jour, ce serait au terme d’une durée si formidable qu’il n’en profiterait pas, ni lui, ni ses enfants, ni ses arrière-petits- enfants. » pp. 30 et 31
Chaque année, Amélie Nothomb emmène son lectorat, entre confort et surprise, dans un nouveau récit. Cette fois-ci, c’est un envol. La petite Amélie est passionnée par les oiseaux. Au début de Psychopompe, nous voyons les jeunes années de l’autrice défiler au travers des noms de pays et de volatiles. Mais un jour, tout s’arrête et la pauvre enfant se retrouve coincée dans un œuf. L’écriture sera la réponse à son enfermement. « Ecrire, c’est voler ». L’autrice ferme avec Psychopompe une trilogie constituée de Premier Sang et Soif. Pas étonnant que ce soit un récit de résurrection. Souhaitons de longues et belles années à celle qui accompagne nos vies à chacune de nos rentrées.
Tiphaine Hubert
Western, Maria Pourchet
Stock, La Bleue
Date de parution : 23 août 2023
ISBN : 9782234094901 , 304 pages, 24.15€
« Si le western est un genre, c’est le féminin. Il articule en un seul trajet l’idée du destin, l’idée du tragique de la condition humaine à celle de la plus fascinante liberté. C’est quoi, tout ça en une seule forme, sinon une femme ? » p. 249
Le roman s’ouvre sur une scène de théâtre, à Paris, pour une ultime répétition en costume ; les comédiens attendent le grand artiste, celui sur qui la mise en scène repose, celui qui doit interpréter Don Juan, or, il n’arrive pas. L’inquiétude monte. Il a disparu ! Pourquoi Alexis, au sommet de sa gloire, est-il introuvable ? Que fuit-il ? Sa disparition déclenche une tempête médiatique, nourrie de révélations accusatrices. Et puis, il y a Aurore, mère célibataire, Parisienne épuisée et désabusée, qui décide aussi de fuir pour s’installer dans une maison familiale isolée, dans le Lot. Son départ se déroule simplement. Evidemment, ces deux personnages ne devaient pas se rencontrer, et pourtant ils vont tous deux vers le même Ouest ! Maria Pourchet, dont nous avions adoré Feu, développe son roman avec maestria. C’est un plaisir de retrouver son style vif, sa maîtrise du rythme, ses jeux de langage. De surprise en rebondissement, le lecteur est embarqué dans ce Western moderne dont le personnage essentiel est la femme. Dans son voyage, il est guidé par l’humour, parfois grinçant, du « je » de la narratrice, bien plus lucide que les personnages. Même les codes du western sont exposés, commentés pour mieux servir la narration. Et cependant, la présence de la narratrice ne nuit pas à la fiction : histoire et réflexion se nourrissent l’une l’autre. Encore une fois, Maria Pourchet réussit à nous divertir tout en portant un regard incisif et amusé, cruellement lucide, sur notre monde, ses troubles, ses dérives mais aussi ses espoirs.
Véronique Fouminet
Perspective(s), Laurent Binet
Grasset
Date de parution : 16 août 2023
ISBN : 9782246829362, 304 pages, 24.72€
» Cela étant dit, puisque tout tourne autour de l’assassinat du Pontormo, nous suivons d’autres pistes dont je peux assurer Votre Excellence qu’elles sont dans un état d’avancement prometteur et ne manqueront pas de porter leurs fruits sous peu (…)«
Laurent Binet, avant de se lancer dans l’écriture de ce nouveau roman, ne connaissait pas le peintre Pontormo (et moi non plus). Il l’a découvert aux Offices de Florence et a imaginé, à partir d’un de ses tableaux, une intrigue politique et policière dans l’Italie du XVIème siècle. Nous sommes à Florence en 1557. Les Médicis règnent, grâce au soutien de Charles Quint, sur une partie de l’Europe. Catherine est Reine de France. Cosme 1er (à ne pas confondre avec un autre Médicis, Cosme l’Ancien, premier Médicis à avoir régné sur Florence) succède à Alexandre de Médicis, assassiné par un jeune cousin, Lorenzo, ivre d’idées républicaines (LeLorenzacciode Musset). Cosme, ou Cosimo, qui a vaincu la république de Sienne, règne, depuis Florence, sur presque toute la Toscane. Protecteur des arts, il soutient Giorgio Vasari, Benvenuto Cellini et de nombreux artistes. Dans le roman de Laurent Binet, Vasari enquête pour le duc Cosimo. Cellini, quant à lui, complote contre le duc pour plaire à la Reine de France. Pontormo est assassiné et l’on découvre, dans son atelier, un tableau bien compromettant pour Maria de Médicis, qui est la fille de Cosimo et de son épouse, la très catholique Éléonore de Tolède. Maria est sur le point de contracter, contre son gré, un mariage politiquement important pour les Médicis et ce tableau est pour le moins mal venu. Perspective(s) est un roman épistolaire, c’est à la lecture des lettres que s’échangent les nombreux protagonistes (Laurent Binet a judicieusement placé un index des personnages en début d’ouvrage) que l’on découvre l’intrigue. Perspective(s) est un éblouissant roman historique, mêlant, avec une grande habileté, histoire vraie et fiction.
Pierre-Pascal Bruneau
L’Échiquier, Jean-Philippe Toussaint
Éditions de Minuit
Date de parution : 31 août 2023
ISBN : 9782707348852, 256 pages, 23.00€
« Je voulais que ce livre traite autant des ouvertures que des fins de partie, je voulais que ce livre me raconte, m’invente, me recrée, m’établisse et me prolonge. Je voulais dire ma jeunesse et mon adolescence dans ce livre, je voulais débobiner, depuis ses origines, mes relations avec le jeu d’échecs, je voulais faire du jeu d’échecs le fil d’Ariane de ce livre et remonter ce fil jusqu’aux temps les plus reculés de mon enfance (…) » Jean-Philippe Toussaint.
Avec L’échiquier, Jean-Philippe Toussaint se confie véritablement pour la première fois. Retrouvant, par une belle matinée, son ancienne école à Bruxelles, il revit son passé. En soixante-quatre courts chapitres, autant que de cases sur un échiquier, il parcourt sa vie. Le récit est construit sans respect aucun d’une quelconque chronologie, sans ordre. Cela n’a pas d’importance, bien au contraire, cet enchainement donne l’illusion au lecteur de suivre pas à pas le cheminement des pensées de Jean-Philippe Toussaint. L’Échiquier est un superbe journal intime. Que le français est beau quand il est écrit ainsi, sobrement, sans emphase ni effet, incisif et précis ! L’échiquier est une des belles surprises de cette rentrée littéraire.
Pierre-Pascal Bruneau
La nuit imaginaire, Hugo Lindenberg
Flammarion
Date de parution : 23 août 2023
ISBN : 9782080427595, 224 pages, 24.15€
« Le boulevard m’attend, façades dociles, offrant la vitrine des fenêtres, dans un bain de lumière chaude, une vision fugace, le crépuscule confortable des familles du quartier. Petites fictions en cube, les unes à côtés des autres, séparées par une once de plâtre et les mille lieues de l’indifférence. » p. 139
Dès les premières lignes, le lecteur comprend que le narrateur-personnage est un peu perdu : il est perdu dans le temps, dans sa vie. Il découvre que sa mère, morte alors qu’il n’avait que six ans, n’est pas la victime d’un accident de voiture mais s’est suicidée. Que faire de cette révélation ? Cela explique-t-il sa difficulté à vivre ? Heureusement, même s’il n’a que peu d’amis, il y a Mona, qui l’écoute, l’aime et le pousse à vivre. C’est par elle qu’il entend parler d’une boîte du Marais, le Hangar, où il pourra assumer son homosexualité. Le lecteur suit les pérégrinations, les doutes, les découvertes et les déboires du jeune homme. Si la nuit est consacrée à la découverte de sa sensualité, le jour l’est à l’élucidation des secrets de sa mère. Le personnage, à la fois gauche et parfois brutal est touchant. Ce qui emporte le lecteur c’est la plume sensible de l’auteur, sa prose poétique légère et délicate créant des images raffinées, parfois déroutante, souvent envoûtante, qui rend compte de la quête de soi, de l’imaginaire vers le réel.
Véronique Fouminet
La Mémoire délavée, Nathacha Appanah
Mercure de France
Date de parution : 31 août 2023
ISBN : 9782715260269, 160 pages, 20.12€
« Mon esprit les a lavés, ces ancêtres, essuyé leurs visages, coiffé leurs cheveux, habillés de vêtement propres, éloignés des cales de bateaux et de la perspective du labeur quotidien des champs de canne. C’est une image presque proprette. C’est une mémoire délavée. » p. 30
Natacha Appanah avait magnifiquement raconté, dans Les rochers de poudre d’or, (Gallimard, 2006), son premier livre, l’histoire de ces hommes qui quittèrent l’Inde, au XIXème siècle, pour l’Île Maurice. Pour trois sous et la promesse d’un eldorado, ils s’embarquèrent pour un terrible et épuisant voyage. Mais, au lieu de l’or promis ils ne trouvèrent à Maurice que la misère et la boue des champs de canne à sucre où ils remplacèrent les esclaves noirs. Ces derniers, pour la plupart, avaient quitté l’île dès l’abolition de l’esclavage en 1835. Les ancêtres de Nathacha Appanah se sont eux aussi embarqués pour quitter l’Inde en quête d’un monde meilleur.
Dans un récit familial très touchant, d’une grande sincérité, écrit dans un style simple, presque dépouillé, l’autrice nous raconte ses origines. Avec beaucoup de retenue, elle dit ce que, de génération en génération, les siens ont été et sont devenus. Les « engagés », les Kulis, disposaient, en théorie, de droits et d’un contrat d’engagement. En réalité leur sort n’était guère plus enviable que celui des anciens esclaves. Dès leur arrivée, un numéro à six chiffres leur était attribué, marquant symboliquement leur déshumanisation. Les conditions de travail qui leur étaient imposées, les mauvais traitements, la faim, étaient, hormis les chaines, peu ou prou ceux des esclaves. En un temps où le Roi et le premier ministre viennent de présenter leurs excuses, au nom du Royaume et de l’État néerlandais, pour l’assujettissement des populations à l’esclavage au Surinam et dans les Antilles néerlandaises, ainsi que pour les exactions commises contre elles, ce récit prend une dimension toute particulière.
Pierre-Pascal Bruneau
L’enfant dans le taxi, Sylvain Prudhomme
Éditions de Minuit
Date de parution : 31 août 2023
ISBN : 9782707349101, 224 pages, 23.00€
« Naître bâtard c’était gagner du temps, mûrir à vitesse accélérée, apprendre à composer dès les premiers pas avec le boitement inévitable de la vie. C’était grandir plus courageux, plus honnête avec soi-même et avec la vie, tout simplement plus vrai. N’était-ce pas ce que l’on disait des chiens bâtards : qu’ils étaient plus intelligents que tous les chines de race. Que pour eux la débrouille était une question de survie. » p. 188
L’histoire commence comme un « faux départ » : un narrateur nous raconte la brève rencontre amoureuse d’un prisonnier de guerre et d’une belle fermière… Mais, il n’a pas assisté à cette scène, il l’a inventée et interrompt son récit. Le narrateur est un écrivain ; sa vie est train de basculer car sa femme le quitte et son grand-père, patriarche incontesté de la famille, vient de mourir. Or, au cours de la réunion de famille, un oncle révèle l’existence d’un autre fils ! Simon se lance à la recherche de ce passé, de ce fils caché. Le lecteur suit alors le récit à la fois plein de mélancolie et de vitalité, de cette quête, et se laisse happer par une écriture douce, souple et novatrice. Il s’attache aux cheminements, réels et psychologiques, du narrateur qui interroge, avec finesse, ce qui fait, ou défait, une famille.
Véronique Fouminet
Les instants suspendus, Philippe Delerm
Seuil
Date de parution : 18 août 2023
ISBN : 9782021468243, 120 pages, 17.14€
« La pêche. Comble de la douceur et reine de l’agacement tactile à la fois. Mais la touche-t-on vraiment ? Même quand on la tient en main, qu’on la soupèse, il semble que l’on ne fasse que l’approcher. La texture de sa peau reste indéfinissable. » p. 54
Les instants suspendus nous reportent des années en arrière, quand Philippe Delerm, sage enseignant du secondaire dans un collège de l’Eure, se faisait connaitre avec un livre qui eût un immense succès : La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules (Gallimard, 1997). Avec Les instants suspendus, Philippe Delerm revient à ces « plaisirs minuscules », ces « petits riens » qui habitent nos vies. L’auteur continue à creuser son sillon et ses fans seront enchantés de ce charmant nouvel opuscule.
Pierre-Pascal Bruneau
Sarah, Susanne et l’écrivain, Éric Reinhardt
Gallimard, Collection Blanche
Date de parution : 17 août 2023
ISBN : 9782072945892, 432 pages, 25.30€
« Ce qui compliquait l’exercice était qu’elle refusait d’accabler son mari, auquel elle ne voulait pas nuire aux yeux des enfants. » p. 138
Éric Reinhardt sait parler du couple. Il sait parler des femmes et du temps qui passe, ce temps qui sépare et déchire ceux qui se sont aimés. Sarah est mariée avec un homme qu’elle aime encore mais qui se détache d’elle. Elle se confie à un écrivain qui fera de sa vie un roman. Elle s’appellera Susanne dans ce livre. Susanne se sent donc délaissée. Le comportement étrange et distant de son mari la trouble et l’inquiète. Elle craint une séparation. Réfléchissant à toutes les conséquences d’un divorce, elle se rend compte de ce que les trois-quarts de la maison familiale appartiennent à son mari. À partir de là, tout va basculer. Dans ce puissant roman, Éric Reinhardt, dans le prolongement d’un de ses précédents livres, L’amour et les forêts, (Gallimard, 2014), parle avec justesse du couple et de la trahison. Le livre est aussi intéressant pour le regard qu’il porte sur les relations entre l’écrivain et son lecteur.
Pierre-Pascal Bruneau
Le diplôme, Amaury Barthet
Albin Michel
Premier roman
Date de parution : 23 août 2023
ISBN : 9782226486363, 224 pages, 22.88€
« (…) pour Nadia et moi, il n’y avait rien à espérer. Toute notre vie, nous serions estampillés comme des étudiants de fac, et toute la sienne, Henri serait reconnu comme un brillant HEC. Le diplôme nous avait marqués au fer rouge. » p. 54
Le narrateur est un professeur frustré et désabusé ; dans sa vie, rien ne va, ni l’exercice de son métier, pour lequel il avait pourtant une vraie vocation, ni son couple. Son amie le quitte, il ne s’en sent que mieux. Un jour, il rencontre Nadia ; incroyable jeune femme, intelligente et vive mais… sans diplôme. Guillaume décide alors de lui offrir la vie qu’elle mérite vraiment ; pour cela, il lui crée le fameux sésame qui lui manque. Ainsi commence la magnifique imposture ! On suit avec plaisir les événements, racontés dans un style alerte et très agréable, ponctués d’humour, de réflexions sur notre époque et, en particulier, de remarques vives sur notre culture des grandes écoles et des diplômes. Une histoire à laquelle on a envie de croire, une lecture réjouissante !
Véronique Fouminet
Et si c’était une nuit, Tobie Nathan
Stock, La Bleue
Date de parution : 23 août 2023
ISBN : 9782234092518, 400 pages, 25.30€
«Cette nuit-là, j’ai fait deux rencontres, une personne, bien réelle, que j’ai revue par la suite, et une autre, plus floue, dont j’aurais du mal à parler. Peut-être l’ai-je seulement rêvée celle-là ? Ces rencontres ont été si puissantes, se sont révélées si décisives, qu’elles demeurent inscrites dans ma mémoire comme des balises, posées là pour éclairer mon chemin… »
N’en déplaise aux Cassandre, le mouvement de mai 68 a été bien plus que la manifestation anarchique de quelques illuminés. Il y a bel et bien un avant et un après 68. De réelles barrières ont cédé et si la plage n’a pas forcément été trouvée sous les pavés, c’est bien grâce à tous ceux qui ont eu le courage, ou l’inconscience, de se rebeller contre l’État bourgeois et ses institutions que nous avons aujourd’hui plus de liberté et de choix.
Certains de nos bons auteurs ont été sur les barricades. Olivier Rolin, dans Tigre en papier, (Seuil, 2002), raconte à la fille de son compagnon de lutte, maoïste comme lui, mort trop jeune, le temps où la Chine et Mao représentaient le bonheur et l’avenir des peuples et où beaucoup de jeunes intellectuels croyaient en la révolution. Dans son livre, le narrateur roule toute la nuit sur le périphérique, dans une vieille DS, et raconte ces temps qui paraissent si lointains : « La Chine était rouge pour l’éternité, le Che plus grand mort que vivant. L’Internationale serait le genre humain. C’était dans la nuit des temps… » nous dit Olivier Rolin.
Tobie Nathan, Maoïste comme Olivier Rolin, a lui aussi vécu cette époque inouïe et fabuleuse, quand tout paraissait possible. Emporté par cet élan révolutionnaire, les rencontres qu’il fera alors, changeront le cours de sa vie. Tobie Nathan est originaire d’une famille juive d’Égypte. Quand Nasser, arrivé au pouvoir en 1957, expulse plus de la moitié de la communauté juive du Caire, la famille de Tobie Nathan se réfugie en France, à Gennevilliers. L’exil anéanti son père et brise la vie de sa mère. On connaissait le brillant professeur, écrivain et essayiste, mais on connaissait peu de choses de son passé d’étudiant maoïste. Les rencontres, les échanges, la lutte, l’affrontement et puis bien sûr les femmes et l’amour, tout ce qui lui est arrivé pendant ces quelques mois de 1968 a été décisif dans sa vie. Un récit beau et sensible dans lequel Tobie Nathan ne juge ni ne montre du doigt mais se souvient simplement.
Pierre-Pascal Bruneau
Le jour et l’heure, Carole Fives
JC Lattès
Date de parution : 23 août 2023
ISBN : 9782709672672, 144 pages, 19.55€
“Lorsqu’on est médecin, on n’est pas préparé à la mort des gens. Notre mission, c’est de les tenir en vie coûte que coûte, en dépit de leur liberté. La mort, ce n’est pas notre sujet. Notre société est comme ça, elle ne veut pas regarder la mort en face. Et pourtant, j’ai lu dernièrement de très belles choses des philosophes grecs. Philosopher, c’est apprendre à mourir, pensaient-ils. Et si soigner, c’était aussi apprendre à mourir?”
Six dans une même voiture. On pourrait presque penser qu’il s’agit d’un départ pour les grandes vacances. Mais les quatre enfants sont adultes et c’est pour son dernier voyage qu’ils accompagnent leur mère en Suisse. Edith, médecin, se sait condamnée. Elle a choisi la mort volontaire assistée. Un dernier voyage comme une grande bouffée de son mari et de ses enfants avant de leur dire adieu, encore debout. Carole Fives traite ici un sujet très actuel. Elle laisse la parole à ceux qui vont rester comme si ce livre était en lui-même une cérémonie d’adieu. Un récit juste et délicat comme une porte entrouverte sur un futur plus serein.
Tiphaine Hubert
Croix de cendre, Antoine Sénanque
Grasset
Date de parution : 16 août 2023
ISBN : 9782246832669, 432 pages, 25.89€
« Devant les béguines que nous visitions, il [Eckhart] oubliait toute prudence. Il prêchait avec passion des sermons foudroyants qui plongeaient ces femmes dans l’extase et les autorités dans la défiance. » p. 167
Antoine Sénanque nous propose un formidable roman d’aventures. Nous sommes au XIVème siècle, vingt ans après la grande peste qui ravagea l’Europe. Dans le monastère de Verfeil, dans le Languedoc, le vieux prieur Guillaume envoie deux jeunes frères, Robert et Antonin, chercher un magnifique vélin, sur lequel il souhaite coucher ses mémoires. Cela paraît bien simple… et pourtant ! La mémoire du prieur conserve tout ce qu’il reste du fameux maître Eckhart, grand théologien, dont l’enseignement a d’abord été admiré puis condamné. Plus encore, il connait de terribles secrets qui pourraient mettre en péril le pouvoir de l’Eglise. Un représentant de l’Inquisition se dresse sur leur route. Se mêlent alors les souvenirs, la foi, le goût du pouvoir, les péripéties et l’Histoire. Antoine Sénanque incorpore dans son roman les personnages, textes et fait réels à la fiction et embarque le lecteur qui, lui aussi, veut connaître les révélations, tout en tremblant pour Robert et Antonin. Un roman passionnant, plein d’érudition et de rebondissements.
Véronique Fouminet
L’épaisseur d’un cheveu, Claire Berest
Albin Michel
Date de parution : 23 août 2023
ISBN : 9782226475015, 240 pages, 22.88€
“Quand ils avaient commencé à se fréquenter, elle l’attifait d’une palanquée de surnoms absurdes, elle en changeait chaque jour, elle les essayait sur lui, comme un foulard ou un chapeau, pour voir s’ils lui seyaient, elle en abandonnait certains dans l’instant et en gardait d’autres quelques semaines, quelques mois, ils lui allaient bien. Ça s’était clarifié avec les années, ils s’étaient tous fondus en chéri, chéri le noyau, chéri la veste indémodable, sublimé par l’usure.” p.15
Vive est artiste, Etienne travaille dans le milieu du livre. Elle est étonnante, il est cynique. Ils représentent le couple parfait de bobos parisiens amateurs de théâtre et de musique classique. Un jour, Vive décide de ne plus se plier à la vie bien réglée de son mari. Etienne va tuer sa femme. Dans un roman court et palpitant, Claire Berest nous raconte un féminicide. Son personnage principal est un être antipathique dont les pensées flirtent avec le grotesque tellement son ego est grand. On assiste avec un plaisir non dissimulé à l’apparition du monstre derrière le costume. L’épaisseur d’un cheveu a tout d’un « page turner ».
Tiphaine Hubert
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Le programme 2023/2024 de la fondation l’ Echappée Belle est en cours d’organisation et notamment les soirées littéraires et les dédicaces en association avec la Librairie Le Temps Retrouvé et avec le soutien du CNL et des éditeurs :
– Alice Dekker sera présente à la librairie Le Temps Retrouvé le samedi 14 octobre pour dédicacer ses livres;
– Aimée de Jongh sera présente à la librairie Le Temps Retrouvé le samedi 21 octobre pour dédicacer ses albums;
– Pierre Assouline sera présent pendant notre festival Tapis Rouge Frans Filmfestival, le 10 novembre pour la remise du Prix Tapis Rouge et à la librairie Le Temps Retrouvé le samedi 11 novembre pour dédicacer ses livres;
– Nathacha Appanah nous a confirmé sa venue le 8 décembre. Elle sera également présente le samedi 9 décembre à la librairie Le Temps Retrouvé pour dédicacer ses livres;
– Michèle Fitoussi sera à la Maison de l’Échappée Belle le vendredi 27 janvier. Elle sera également présente à la librairie Le Temps Retrouvé le samedi 28 janvier pour dédicacer ses livres
Philippe Claudel, et d’autres auteurs, sont attendus en 2024. Dès que ces soirées seront organisées nous vous en informerons.
Notre festival de cinéma, Tapis Rouge Frans Filmfestival est en pleine préparation. Il aura lieu du 9 novembre au 14 novembre 2023, au FilmHallen, Amsterdam.
Enfin, Tapis Rouge Classiques au Movies reprend son programme dès ce mois de septembre avec un cycle Jean-Luc Godard.
(voir ci-après pour les réservations)
Pour connaitre notre programme et recevoir nos lettres d’information suivez-nous en vous abonnant à notre lettre d’information sur notre site https://echappeebelle.nl/. Pour tout renseignement sur les soirées littéraires, vous pouvez aussi vous adresser à notre partenaire, la librairie française Le Temps Retrouvé.
L’Échappée Belle a besoin de vous !
L’organisation de tous ces événements représente de gros investissements; aidez l’Échappée Belle soit en faisant une donation soit en rejoignant nos bénévoles :
– faites une donation ici https://www.geef.nl/nl/doneer?
– ou lancez-vous comme bénévole, notamment pour l’accueil lors du festival de cinéma Tapis Rouge et la distribution des brochures et affiches du festival fin octobre. Si cela vous tente, écrivez à : Elise Klein Wassink à Elise KLEIN WASSINK (Fondation L’Echappée Belle) <info@echappeebelle.nl>.
Ce tourbillon d’activités nous occupe bien, et nous avons malheureusement, par manque de temps mais aussi pour des raisons financières, dû réduire notre présence au centre ville. La Maison de l’Echappée Belle est désormais un « taalinstituut » pour l’enseignement de langue française sous la direction de Jean-Luc Legouez, www.coursdefrancais.nl.
Cependant, il a la grande gentillesse de nous laisser utiliser les lieux pour nos événements. Nos fameuses petites chaises rouges y sont donc encore!
À très bientôt !
Elise Klein wassink
Responsable production, logistique et encadrement des bénévoles
Chaque mois, Tapis Rouge & The Movies vous présentent un programme de grands classiques du cinéma français. Tapis Rouge & The Movies presenteren iedere maand een programma rond klassiekers uit de Franse cinema._____________________Cycle Jean-Luc Godard Septembre Le Mépris : dimanche 10 (présentation de Pierre-Pascal Bruneau) et mercredi 13 septembre Pour réserver cliquer ci-dessous : Réservations : Le mépris Une femme est une femme : lundi 11 et mardi 12 septembre Pour réserver cliquer ci-dessous : Réservations : Une femme est une femme Octobre À bout de souffle : dimanche 15 (présentation de Pierre-Pascal Bruneau) et mercredi 18 octobre Pierrot Le Fou : lundi 16 et mardi 17 octobre Le mépris (1963) Avec Brigitte Bardot, Michel Piccoli, Jack Palance et Fritz Lang Met Brigitte Bardot, Michel Piccoli, Jack Palance en Fritz Lang Une femme est une femme (1961) Avec Anna Karina, Jean-Paul Belmondo et Jean-Claude Brialy. Met Anna Karina, Jean-Paul Belmondo en Jean-Claude Brialy. Tickets/Kaartjes Réservations : Le méprisLE MEPRIS (voorpremière) – ZAAL 2 zondag 10 september – 16:30, met een inleiding door Pierre-Pascal Bruneau woensdag 13 september – 19:00 The Movies Réservations : Une femme est une femme UNE FEMME EST UNE FEMME – ZAAL 2 maandag 11 september – 19:15 dinsdag 12 september – 19:15 L’équipe de Tapis Rouge Classiques et du Movies vous souhaite de belles projections ! Het team van Tapis Rouge Classiques en The Movies hoopt dat je geniet van de films! |